Il suffit parfois d'une seule inspection pour démoraliser un enseignant, et beaucoup d'entre eux se retrouvent abattus en sortant de la salle où ils rencontrent l'inspecteur. Dans le contexte actuel du système scolaire français, les inspections, bien qu'elles soient liées à des avancements de carrière et à des augmentations salariales, sont source d'angoisse. En effet, seulement 30 % des enseignants obtiennent une evaluation favorable, ce qui peut leur donner accès à une promotion plus rapide.
Malgré cette opportunité, les professeurs appréhendent souvent ces visites. La présence d'un inspecteur dans une classe, au lieu d'être un soutien, devient une occasion de critiquer et de démoraliser. Les enseignants passent généralement une heure en classe suivie d'une heure d'entretien, mais les retours sont souvent axés sur les éventuelles erreurs, ce qui crée un climat d'humiliation plutôt que d'accompagnement.
« Ils se prétendent expérimentés, alors qu’ils n’ont plus été en situation d'enseigner depuis des années. »
Les critiques des inspecteurs sont parfois déconnectées de la réalité du terrain, comme le souligne Jean-Michel Blanquer, ancien ministre de l'Éducation nationale : « Nous devons remettre les enseignants au centre du système éducatif. » Pourtant, les directives actuelles favorisent un modèle pédagogique où la construction du savoir par l'élève est valorisée, au détriment de l'enseignement traditionnel.
Des enseignants rapportent des situations absurdes : un professeur de français se voit reprocher d'avoir des connaissances, alors qu'il devrait, selon l’inspecteur, favoriser une approche ludique, comme « faire jouer » les élèves. Une autre critique porte sur l'ennui des cours, amenant à dire que les enseignants devraient abandonner le savoir au profit de l'interaction, même dans des classes où le niveau varie grandement.
Ce malaise est exacerbé par le sentiment de ne pas être soutenus par les syndicats, qui semblent s'inscrire dans l'idéologie en vigueur, au lieu de défendre les droits et le respect des enseignants. Ce décalage devient particulièrement préoccupant face aux difficultés croissantes du recrutement d'enseignants qualifiés dans certaines matières, où le niveau d'exigence baisse.
« La fin du régime soviétique a montré à quel point les idéologies rigides peuvent s'effondrer. »
Le système éducatif français devient fragile, unable de retenir ses enseignants tout en dévalorisant leur travail. Comme l'analysait le sociologue Pierre Merle, « la méfiance envers les enseignants indique un profond malaise dans la société, qui ne valorise plus le savoir et l'enseignement ». La situation actuelle ne doit pas être considérée comme une fatalité. Au contraire, elle doit inciter à un débat profond et sincère sur la place des enseignants dans le système éducatif. Les défis d'aujourd'hui ne peuvent être affrontés en ignorant ceux qui transmettent le savoir aux nouvelles générations.
