La notion de neutralité du droit est devenue un débat central dans notre société contemporaine. Derrière cette prétendue impartialité se cache souvent un désir de maintenir un certain ordre établi. Critiquer une décision judiciaire serait considéré comme une menace pour l'État de droit. Pourtant, cette approche élude la réalité profonde : le droit est intrinsèquement lié à la politique.
Un constat frappant émerge : le droit ne se développe pas dans un vide, mais naît des choix politiques dictés par des rapports de force sociaux et des idéologies. Comme l’affirme Jean Carbonnier dans son ouvrage Flexible droit, le droit est un phénomène social façonné par les mœurs de chaque époque. La loi n'est pas simplement une règle à découvrir mais une construction humaine, un choix conscient de législateurs, qui ne sont pas dénués de contexte.
Les récents débats sur la critique des juges illustrent parfaitement cette tension. Toute contestation est souvent balayée par l’idée que l’on attaque la crédibilité de l’Etat de droit. Mais en réalité, ce qui se joue ici est un verrouillage des débats démocratiques, où le droit devient un outil pour disqualifier les voix dissidentes. Dans Théologie politique, Carl Schmitt critique cette illusion de neutralité, révélant que les décisions législatives sont toujours ancrées dans un cadre politique.
Pour approfondir cette réflexion, des experts tels que Julien Freund rappellent que la dimension politique est essentielle et doit être reconnue. La fuite devant l’éthique et la philosophie du droit, comme l’a noté Leo Strauss, nous empêche d’aborder des questions fondamentales sur le bien commun. Chaque décision interprétative d’un texte juridique implique une vision particulière du monde.
En France, cette remise en question n'est pas nouvelle. Les analyses de Michel Villey et Jean Carbonnier montrent que le droit, s'il est présenté comme un domaine autonome, devient alors un instrument au service d'une idéologie dominante, largement acceptée sans débat populaire. Une telle situation n’est pas seulement antidemocratique, mais peut susciter une manipulation subtile des valeurs sociales.
La dérive vers une dépolitisation du droit n’est pas fortuite ; c'est une stratégie qui profite à ceux dont les normes sont déjà en place. En dissimulant cette réalité, un certain discours dominant sur la « neutralité » du droit empêche toute remise en cause de l'ordre établi. À ce stade, il devient impératif d'articuler ces injustices et de revendiquer un débat public enrichi, permettant d'élargir notre compréhension des enjeux juridiques et politiques.
Ignorer la politique derrière le droit c’est céder à ceux qui la manipulent à des fins qui ne reflètent pas toujours l’aspiration populaire. Il est essentiel de rappeler que le droit doit servir les citoyens et non les intérêts d'une élite. Cette réflexion collective pourrait bien être la clé pour restaurer un meilleur équilibre entre droit et démocratie.







