Dès novembre dernier, un quartier pénitentiaire à la pointe de la sécurité a ouvert ses portes à Condé-sur-Sarthe, incarcérant une trentaine de figures emblématiques du narcotrafic. Ce reportage dévoile un monde mis à l'écart du reste de la société, illustrant une révolution pénitentiaire significative en France.
Lors de ma visite au centre pénitentiaire d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, j'ai été frappé par la propreté des lieux, qui rappelle plus un hôpital qu'une prison. Le silence pesant qui enveloppe les couloirs est déconcertant, sachant que des criminels notoires s'y côtoient. Parmi eux, Amine Oualane, le chef de la DZ Mafia, et d'autres narcotrafiquants sont désormais enfermés dans des cellules ultramodernes.
Vincent Vernet, le directeur de cette institution, a expliqué que l'objectif principal de ces nouveaux quartiers est de restreindre toute communication avec l'extérieur, limitant les appels téléphoniques à deux heures par semaine, scrutés minutieusement. Ce dispositif a pour but d'empêcher ces figures du crime d'exercer leurs activités criminelles depuis leur détention. La prison de Condé-sur-Sarthe a été conçue pour accueillir des détenus considérés comme ingérables dans d'autres établissements, adoptant un modèle inspiré du carcere duro italien, spécifiquement destiné à neutraliser les mafieux.
« Ici, c'est le détenu qui doit s'adapter à la prison », insiste Vincent Vernet, soulignant une politique ferme qui promeut une discipline stricte. Le quartier, apprécié pour son taux de sécurité exceptionnel — une évasion n’y ayant jamais été recensée — est néanmoins abordé avec prudence par les autorités, face aux nombreuses saisies de téléphones portables en milieu carcéral en 2024.
La routine carcérale des détenus consiste à vivre dans des conditions minimales, avec un mobilier fixé au sol. L'accès aux affaires personnelles est restreint, mais ils ont la possibilité de recevoir des virements de leur famille. L'idée centrale reste de les isoler de leur réseau criminel, mais certains experts s'interrogent sur les risques potentiels de renforcement des alliances criminelles dans ce cadre.
« L'isolement est renforcé. Dans le parloir, il n'y a pas de contact physique, un simple interphone permet d'échanger », a expliqué un détenu, qui déplore cette distance avec sa famille. Les critiques concernant les conditions de détention se multiplient, certains évoquant des situations similaires à celles vécues à Vendin-le-Vieil, où des révoltes avaient déjà eu lieu pour dénoncer des traitements jugés inhumains.
Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, avait anticipé ces dilemnes en annonçant le développement d'une nouvelle structure légale pour mieux gérer ces cas complexes. Le projet de création d'un Parquet national anticriminalité (Pnaco) est à l'ordre du jour afin d'optimiser le cadre légal entoure ces questions. Les prisons françaises, déjà surpeuplées, pourraient souffrir de plus en plus de l'isolement de ces détenus au sein même de leur structure.
En somme, les quartiers réservés aux détenus liés à des réseaux criminels se multiplient en France – une réponse directe aux défis croissants du narcotrafic, mais qui soulève aussi de nombreuses questions éthiques et légales. Un débat qui ne manquera pas d’émerger à mesure que ces prisons, conçues pour garantir l'étanchéité et la sécurité, marqueront une époque pour la lutte contre le crime organisé.







