Alors que la lutte contre le narcotrafic intensifie les préoccupations gouvernementales, un autre fléau, bien plus insidieux, émerge au sein des murs des prisons françaises : la corruption parmi les surveillants. D'après des données du ministère de la Justice, les condamnations d'agents pénitentiaires pour des remises d'objets illicites à des détenus ont bondi de 41 % entre 2020 et 2023, révélant l'ampleur d'un phénomène souvent caché.
Un récent procès d'un surveillant de la maison d'arrêt de Bois-d'Arcy met en lumière cette problématique. Cet agent de 46 ans a été condamné à trois ans et demi de prison pour avoir introduit, moyennant une compensation financière, des téléphones portables et du cannabis en détention. Son avocat, Maître Emmanuel Ludot, dépeint un schéma inquiétant : "Dans les prisons, on repère le surveillant le plus vulnérable, celui dont les conditions de vie sont précaires. C'est ainsi qu'ils sont piégés, d'abord avec une enveloppe d'argent, suivi d'une pression pour effectuer des actes de corruption", raconte-t-il.
Des petits services qui mènent à de grands problèmes
Les chiffres du ministère de la Justice illustrent une réalité troublante. En seulement trois ans, les condamnations d'agents pénitentiaires pour des délits de probité sont passées de 31 en 2020 à 44 en 2023. En parallèle, les atteintes à la probité signalées par les forces de l'ordre ont augmenté de 50 % entre 2016 et 2024, selon des statistiques récemment publiées par Le Monde.
Valérie Mousseef, directrice d'une prison en Guadeloupe, affirme que ce phénomène n'est pas toujours visible. "Il débute souvent avec des échanges apparemment innocents, comme des friandises ou des gestes amicaux par les détenus. Mais ces échanges peuvent rapidement se transformer en manipulations", souligne-t-elle. Elle met en garde : "Une fois qu'un surveillant succombe à une petite faveur, il devient vulnérable pour des demandes plus graves." Elle évoque des prisons surpeuplées où les tensions sont exacerbées par la présence de narcotrafiquants, alimentant une complexe chaîne de corruption.
Prévenir avant qu'il ne soit trop tard
Face à ce contexte alarmant, le gouvernement tente d'agir. Gérald Darmanin, Ministre de l'Intérieur, a récemment proposé des mesures pour mieux encadrer les surveillants dans les quartiers à haut risque et a demandé à l'Agence française anticorruption de former le personnel pénitentiaire pour mieux détecter les risques de corruption. Isabelle Jégouzo, directrice de cette agence, insiste sur l'importance de "signaler les premiers signes" afin de stopper les engrenages avant qu'ils ne se mettent en marche.
Des sessions de formation sont organisées régulièrement, axées sur la détection des comportements suspects et l'importance de la communication au sein des équipes. Des protocoles ont été mis en place, notamment pour garantir que les surveillants n'interviennent jamais seuls face à des détenus dans ces quartiers sensibles, réduisant ainsi le risque de corruption.
En dépit de ces efforts, la lutte contre ce fléau reste délicate et soulève des interrogations sur l'intégrité du système pénitentiaire français. L’avenir dépendra de la capacité des autorités à instaurer un environnement où la loyauté et l’honnêteté prévalent sur la corruption.







