Philippe Soulas, l'un des plus illustres dessinateurs satiriques de France, est décédé à l'âge de 93 ans, laissant derrière lui un héritage artistique considérable. Connu pour son humour acerbe et ses critiques sociales, Soulas avait passé une grande partie de sa carrière à Libération et à Hara-Kiri, positionnant ses œuvres à la croisée des chemins entre la provocation et la réflexion.
Né près de Toulouse en 1932, Philippe Soulas n’a pas fait ses débuts dans le dessin de presse avant les turbulentes années post-68. C'est alors qu'il a rejoint le monde libertaire de Hara-Kiri, un journal qui allait plus tard devenir Charlie Hebdo. À une époque où la censure et la conformité régnaient, son art se voulait un miroir déformant de la société, visant les institutions et les figures d'autorité comme les curés et les militaires. Dans une interview accordée en 2021, il affirmait : "La vulgarité qui y était présente me charmait, car cela irritait ceux que je détestais".
Son engagement libertaire, allié à un sens aiguisé de l'humour, lui a permis de faire entendre sa voix sur des sujets comme l’anticléricalisme ou les inégalités sociales. Enfance marquée par un choc spirituel, il avait renoncé à la foi lors d'une expérience dans un pensionnat catholique. "Si tu existes, foudroie-moi !" avait-il lancé, constatant que rien ne se produisait, il choisit de ne plus croire. Une radicalisation de ses idées qui se reflète dans son art engagé.
En 1974, il intègre Libération, fondé par Serge July et Jean-Paul Sartre, où il y passera deux décennies. Son départ en 1994 ne fut pas sans heurts : il contesta son renvoi devant les prud'hommes. Dans une réflexion sur son temps passé au journal, il déclarait : "Les premières années ont été formidables. Puis, à partir de 1981, il y a eu un changement d'esprit. L'acceptation de la publicité et des licenciements m’a choqué".
Reconnu pour son style unique et sa capacité à provoquer des résonances, Soulas était aussi un membre actif des Humoristes associés dans les années 80. Il contribua à divers autres publications, telles que Marianne et Siné Hebdo, tout en s'orientant ces dernières années vers la peinture. Malheureusement, les contributions de ce grand artiste s'éteignent désormais, mais son impact sur le paysage satirique français reste indélébile.







